Page 37 - Romania 100
P. 37
et transformations. Cette observation est également confirmée par les acteurs étatiques et non étatiques ayant la plus grande influence sur le monde de la transformation dans lequel nous vivons. La configuration de l’agenda politique est évidemment
un exercice entre géants de l’économie, de l’armée et de la culture. Tout ce qui s’est passé dans les domaines de l’économie, du commerce et des services au cours de la dernière décennie était lié à d’énormes plates- formes intégrées qui renforcent l’influence mondiale des pays où elles sont apparues.
Si nous ne prenons qu’un exemple, celui de l’intelligence artificielle, nous voyons que tout expert dira immédiatement que le principal constat résultant de la course à la suprématie sur le terrain est que le succès dépend avant tout de la quantité de données (données de qualité, bien sûr) qui peuvent être traitées, donc un autre facteur de taille.
En projection agrégée, l’Europe, qui reste le plus grand marché du monde et un acteur commercial de premier plan, doué d’une énorme force mondiale d’attraction pour son modèle économique et sociétal, a vu son poids réduit de moitié en très peu de temps au niveau mondial. Elle devient collectivement la troisième force (non plus la deuxième) du monde en termes de financement du secteur de
la défense. La liste mondiale des plateformes susmentionnées ne contient pas de noms européens. Notre infrastructure digitale provient en grande partie des importations. Dans le domaine de la recherche militaire, l’Europe dépense deux fois moins que
la Chine et un septième des montants alloués par les États- Unis à ce but.
Il est clair qu’aucun État de l’Union européenne n’est
en mesure de répondre individuellement à ces défis; il est clair que seule une réponse intégrée au niveau de l’UE peut garantir notre lien favorable avec de tels développements. L’Europe intégrée est la seule à pouvoir maintenir l’influence de l’Europe dans le monde. L’Union doit cependant être prête à élaborer les stratégies politiques nécessaires pour définir correctement le jeu géopolitique contemporain, pour définir des priorités claires pour les futurs domaines de développement et pour les mettre en corrélation avec des financements abordables et innovants.
Le sixième plus grand pays
de l’Union après le Brexit,
la Roumanie a, à mon avis,
tout le potentiel pour devenir
un acteur influent dans le processus de préservation de
la pertinence et de l’influence globale de l’Europe. Comme tous les autres États membres, elle ne peut rester indifférente au déclin de l’importance globale de l’Europe ou à la possibilité d’être découplée
des grandes tendances dont nous pouvons tous constater le développement accéléré. Par conséquent, s’il est impossible de concevoir des solutions
utiles au niveau strictement national pour s’adapter à l’hyper-mondialisation d’un monde de plus en plus incertain, une politique sage impliquera incontestablement un soutien actif aux valeurs fondamentales de l’Europe et une action résolue en faveur de la performance
et de la compétitivité dans le monde d’aujourd'hui.
La Roumanie a dans son
ADN ce qui est nécessaire
pour poursuivre ce type de politique européenne et dispose d’un plus grand espace de manœuvre pour se lancer rapidement dans de nouvelles
voies de développement. Si une position active sur un agenda européen positif, avec ses membres pivots, est la formule la plus logique pour un pays en pleine convergence et situé en dehors des clusters régionaux existant au sein de l’Union, il faut au moins 3 choses pour le mettre en œuvre: l’éloignement d’une position dans laquelle
on pense à l’UE à la troisième personne («ceux de l’UE» est une expression qui crée des tensions à chaque fois); une configuration véritablement stratégique de notre agenda politique, souvent confisquée par introspection et par des problèmes marginaux ou mineurs; une capacité accrue d’élaborer des politiques (nous mettons souvent en place une réglementation officielle avant d’énoncer et de convenir de
sa raison d’être, de sorte que l’élaboration de lois semble être une fin en soi et non une transposition de stratégies et de politiques ultérieures) et d’opérer réellement avec des priorités (nous ne pouvons pas nous permettre toujours être exhaustif). Une période plus large de stabilité politique et de continuité, ou de coopération entre nos forces politiques sur des questions stratégiques, favoriserait certainement l’émergence de tels nouveaux cadres de gouvernance.
La Roumanie, sixième État
de l’Union post-Brexit, a donc l’occasion, notamment dans
le contexte de la présidence du Conseil de l’UE, d’optimiser sa matrice de gouvernance interne et de se positionner stratégiquement au sein de l’UE, en soutenant à son tour le positionnement stratégique de l’UE sur la scène mondiale.
Les points de vue exprimés ci-dessus représentent l'opinion de l'auteur et n'engagent en aucune manière la position officielle de la Commission européenne sur ces questions.
37