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Ce qui reste important dans cet entretien c’est
la mission principale assumée par la reine Marie, inconcevable pour la reine de Roumanie à l’époque du roi Carol I, et qui est exprimée le mieux dans sa déclaration également prophétique: « Quels que soient les sacrifices et les peines que nous devons assumer pour la Roumanie, nous les porterons avec élégance parce que nous savons que c’est notre destin. » Un destin extraordinaire inscrit
plus tard sur le frontispice de la façade nord de l’Arc de Triomphe de Bucarest: « Après des siècles de souffrances subies avec humilité chrétienne
et de luttes acharnées pour la préservation de l’être national, après la défense sacrificielle de la civilisation humaine, la justice du peuple roumain a été accomplie par l’épée du roi Ferdinand, à l’aide de la nation entière et la pensée de la reine Marie. » Voyons maintenant l’interview prise à la reine Marie de Roumanie quelques semaines avant l’entrée de son pays dans la Grande Guerre:
„Une discussion avec Sa Majesté la reine Marie
Bucarest, le 9 août 1916
Mademoiselle Rosamunde Boultbee1, correspondante du journal Daily News de Toronto, Canada, a récemment eu l’honneur d’être reçue par Sa Majesté la reine dans une audience prolongée. La journaliste a rapporté l’entretien comme suit:
J’ai eu le grand honneur d’être reçue par S.M.
la reine de Roumanie, et j’ai eu le sentiment que j’avais franchi le seuil d’une des maisons royales les plus heureuses de l’Europe. Après avoir demandé l’audience, j’ai reçu de la dame d’honneur de la reine une lettre encadrée de deuil noire, qui me communiquait que S.M. la reine me recevrait au palais de Cotroceni à une certaine heure; la lettre mentionnait aussi que je devais porter une robe de deuil et un voile noir. La cour entière était en deuil après le décès de la reine Elizabeth2 et chaque visiteur du palais royal, même s’il ne restait que quelques minutes, devait se conformer à cette disposition.
Sur le chemin du palais j’ai rencontré des paysannes et des paysans roumains, vêtus de leurs costumes pittoresques, tondant l’herbe le long de l’allée. Le château lui-même est situé au
1 Sur l’activité de Rosamunde Boultbee, voir Marjory Lang,
Women Who Made the News. Female Journalists in Canada 1880–1945, McGill-Queen’s University Press, 1999, p. 280.
2 Survenu le 2 mars (selon le nouveau style) 1916. Le deuil de la cour royale a duré six mois.
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milieu d’un parc magnifique sur une hauteur en dehors de Bucarest. Le bâtiment este entouré par une cour qui s’étend sur une grande surface. Le palais de Cotroceni était autrefois un monastère. Le palais royal est situé en plein centre de Bucarest. Il a été habité par l’ancien couple royal
de Roumanie. Le roi et la reine d’aujourd’hui, lorsqu’ils sont arrivés à Bucarest en tant que jeunes mariés, ont élu domicile au palais de Cotroceni
et ils gardent toujours un sentiment particulier pour cette résidence, ainsi qu’ils sont habitués à utiliser le palais de Bucarest uniquement pour des cérémonies solennelles. Le tribunal militaire et l’administration ont leur siège au palais royal de Bucarest.
Quand je suis arrivée au palais de Cotroceni, j’ai été conduite par un valet vêtu d’une livrée éclatante dans un salon somptueux, où j’ai été reçue par la dame d’honneur de S.M. la reine3, qui m’a conduit à l’appartement personnel de la reine.
La salle n’est pas très grande, mais j’ai rarement eu l’impression d’un bon goût aussi parfait qu’ici. Les lambris sont de la plus haute qualité et les fauteuils en velours invitent à causer. Des tableaux, dont certains sont réalisés par les enfants de la famille royale, ornent les murs.
La reine entra et me salua très gentiment: « C’est
un plaisir de vous voir chez moi. » La dame d’honneur quitta la pièce et pendant une demi- heure je restai seule avec la reine.
S.M. la reine m’a parlé de sa famille, de ses souhaits concernant ses enfants et de ses espoirs pour la Roumanie:
3 A l’époque, le première dame d’honneur de la reine Marie était Elena Mavrodi, voir Almanach de Gotha, 1916, p. 1060.