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           quelques cents mètres de terre, avec des pertes inimaginable des deux côtés.
C’est seulement dans ces circonstances, qui étaient
un cauchemar pour les dirigeants des pays impliqués dans la guerre, que la Roumanie, qui a adopté la solution de l’« attente armée
» le 21 juillet/3 août 1914, deviendrait un négociateur
sur un pied d’égalité avec les puissances qui lui sollicitaient la participation, ou du moins
la neutralité – (les puissances centrales) ou la participation à ce qui aurait pu être une guerre parallèle (les puissances de l'Entente).
Pour la première mais aussi
la dernière fois dans l'histoire
de la Roumanie, nous voyons
un Premier ministre, Ion I.C. Brătianu, qui négocie sur un pied d'égalité avec les dirigeants des grandes puissances et qui, dans ces conditions, soutient et affirme l'idéal national roumain, tel qui l'avait exprimé lors de la révolution de 1848, où l'un des dirigeants les plus importants était son père, Ion C Bratianu. Cet idéal signifiait l'annexion de la Transylvanie, de la Bucovine et des autres territoires habités par les Roumains de la double monarchie austro-hongroise, destinée à être démembrée après la défaite des puissances centrales.
Aujourd'hui, près de cent ans après la fondation de la Société des Nations ou près de 75 ans après la création de l'ONU, lorsque les principes du droit international stipulent que l'égalité entre grands et petits
États est compréhensible, de telles négociations semblent normales, mais à ce moment- là, ils n'étaient certainement pas et ne seront pas répétés. Au cours des deux premières années qui ont suivi le début de la Seconde Guerre mondiale, de 1939 à 1941, l'Allemagne et ses alliés ont remporté une série de victoires retentissantes,
de Paris à la périphérie de Moscou, de sorte qu’il n'y
ait rien à négocier pour la Roumanie: elle a du s’allier avec ceux qui avaient défi et détruit la Grande Roumanie, avec l'espoir hypothétique de refaire ses frontières déchirées lors de l'été tragique de 1940.
Au cours des huit derniers mois de la même guerre mondiale,
à compter du 31 août 1944, l'Armée rouge soviétique, appuyée par les efforts militaires et industriels des États-Unis, occupa huit capitales: Bucarest, Sofia, Belgrade, Budapest, Varsovie, Vienne et Berlin, et Prague le 9 mai 1945. Il n’y avait rien à négocier à cette époque non plus: la Roumanie est entrée pour 45 ans dans le système politique de l'Union soviétique, qui a lancé la destruction
de la Grande Roumanie et promu un système politique diamétralement opposé au système démocratique dans lequel la Roumanie évoluait depuis près de 90 ans.
Pour les historiens qui ont étudié les détails des opérations militaires des deux premières années de la Grande Guerre, il est évident que le 2 septembre 1914, lorsque l'armée russe
a conquis la forteresse de Lemberg (aujourd'hui Lvov)
et a encerclé la forteresse de Przemysl, le 16 septembre dans la guerre du 23 mai 1915, ou particulièrement les premières semaines fructueuses de la célèbre offensive russe dirigée par le général Broussilov (4 juin-20 septembre 1916), furent autant de moments favorables où l'intervention de l'armée roumaine aurait pu avoir bien plus d'effets (aurait renversé le système défensif des puissances centrales) que ceux produits par l'intervention roumaine de la fin d’août 1916.
Pourquoi les pouvoirs de l'Entente n'ont-ils pas forcé
la Roumanie à entrer dans la conflagration à aucun moment mentionné ci-dessus? On ne peut répondre à cette question qu'en supposant qu'en raison de la supériorité numérique
de leurs troupes, les chefs de l'Entente étaient convaincus qu'ils remporteraient la victoire décisive. De plus, des documents diplomatiques montrent que pour l'empire russe, il n'était pas souhaitable de voir la création à ses frontières d’un état avec 14 millions de Roumains.
Ce n'est que lorsque les victoires se sont effritées, lorsque les batailles de Verdun (21 février-18 décembre 1916) et de Somme (du 1er juillet au 18 novembre 1916) ont entraîné une énorme perte sur le front ouest, quand on a vu que les exportations de matières premières roumaines
- blé et huile - sabotaient le blocus économique imposé
par l'Entente aux puissances centrales, les dirigeants de cette dernière alliance ont compris une leçon valable à ce jour
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